vendredi 5 novembre 2010

cent ans de solitude

j'le lis pour être dans 'gang, j'pense.

pour combien de temps II

je surveille encore la même étudiante. très joli hasard. elle a la même coiffure. mais des souliers à talon-haut cette fois. je ne vois pas ses bas. elle porte des pentalons noirs, rayés, neutres, professionnels.

son tricot blanc est superbe, avec ses larges mailles qui voilent à peine une camisole rouge foncé. comme une fraise mûre nappée de crème fraîche. elle est assez jeune-vingtaine pour l'oser, par ailleurs. l'âge où une telle désinvolture est tolérable parce que jugée mesurée. plus vieille, ce serait déplacé, tout le monde en conviendrait.

elle a une posture impeccable. la pointe de ses cheveux touche à peine son dos quand elle replace les feuilles sur son bureau. ses reflets éblouissent timidement, par contre. aux tempes - je regarde par bribes - elle est un brin clairsemée. comme son tricot blanc. sortes de clairières à baisers pour l'hélicoptère de mes lèvres.

mardi 19 octobre 2010

"bon début de journée tout le monde" - gino chouinard

un concierge passe dans le corridor alors que, dans mon bureau sans fenêtre, je me débarrasse de mes pourriels comme un singe ses tiques, les lumières fermées, le visage incandescent.

il repasse, s'arrête et dit, enroué : "tu travailles au noir."

et je lui balance mon café au visage.

(c'est une blague; je feins de rire.)

vendredi 15 octobre 2010

gredzinski et blin

benacquista a écrit Quelqu'un d'autre. belle réussite romanesque. ce sont deux hommes qui, après un match de tennis, se font le pari de devenir quelqu'un d'autre. ils se donnent rendez-vous un an plus tard, pour voir.

gredzinski devient alcoolique et monte en grade dans l'entreprise de communication parisienne pour laquelle il bosse. l'abus d'alcool le désinhibe, stimule sa créativité, lui donne confiance, l'enrichit et - forcément - il devient désabusé. heureusement, il y a cette femme, si secrête loraine.

blin passe d'encadreur blasé à très-investi détective. et il ne fait pas les choses à moitié, lui qui change littéralement de visage, de métier, de statut civil, bref, d'identité. déclaré disparu, même, dans les journaux.

alors qu'on croit à une intrigue où se croiseraient le détective vermeiren (blin) et l'autre, l'amant de l'adultère loraine (l'est-elle?), les deux personnages évoluent en parallèle. pas de chassé-croisé.

alors qu'on croit à une déchéance irrémédiable chez ces deux quadragénaires anonymes, ou alors à une réussite sur tous les plans chez ces deux lassés de soi, il en est autrement. l'attentisme est déjoué.

en bout de ligne, benacquista interroge l'identité et particulièrement la légitimité de changer de peau. il propose des moyens surtout radicaux pour y arriver, mais aussi des conséquences, heureuses ou non. nuancé comme perspective? oui, pour un romancier français.

* * *

à réfléchir : Malavita, roman du même auteur : une famille devient elle aussi quelqu'un d'autre; d'états-unienne à provinciale française. manifestement, le thème de l'identité est cher à l'écrivain français qui n'a d'italien que le nom (enfin, je suppose).

vendredi 1 octobre 2010

pour combien de temps

Quelques impressions, sur le tas, cependant que je surveille un examen, cependant que cela ne me dise rien de faire autre chose comme corriger, préparer, fouiller dans mon nez, respirer.

écrire à propos de celle que je surveille? oui, mais, si on me surveillait moi. il y a, ai-je su, un logiciel qui permettrait de voir ce que je fais sur cet écran. comme un surveillant du surveillant.

je paranoïe.

(tiens, on souligne le mot "paranoïe". le verbe paranoyer n'existe visiblement pas.)

EST-CE QUE TU PEUX CHERCHER DANS LE PETIT ROBERT, SURVEILLANT DU SURVEILLANT (SS), VOIR S'IL Y AURAIT LE MOT PARANOYER OU PARANOÏER? MERCI. T'ES UN BON JACK!

je paranoïe encore.

("je fabule" sera souligné? non. yes!)

je fabule (dans ce cas).

elle est quand même jolie. brunette, sourcils foncés, un brin basanée, bonne poitrine, fière posture, affairée. souliers en cuir, bas écossais, joli tricot bleu clair. elle me paraît toutefois un brin immature. trop jeune. le genre à se laisser traîner, à se faire inviter, à attendre trop de rouille avant de repeindre, à remettre la pinte de lait vide dans le frigo, à clavarder au lieu de lire, à aimer le motocross ou à dépenser, par exemple.

tiens, elle vient de taper du pied. fronce ses sourcils. semble contrariée.

voilà, elle a repris son allure au clavier.

pour passer le temps, je vais jouer. oui mais à quoi?

tiens, j'essaie d'écrire en même temps qu'elle, sur mon clavier. (il y a eu une pause. je reprends :) il faut une bonne écoute. de la synchronicité aussi. appelons ça le solidaritapage ou le respectapage ou l'harmoni-touche.

elle s'est senti une mèche de cheveux. elle l'a portée devant son nez pour la humer. elle aimerait son shampooing? son parfum? simplement elle (cover girl!)? quoi qu'il en soit, j'aime ça, chez une fille. ce petit sentiment d'insécurité lorsqu'elle se sait observée. ce léger inconfort qui pousse à se soucier de son apparence. à la fois aveu de vulnérabilité et geste de séduction. calculé ou inconscient, ce geste? concentrée comme elle est, je dirais complètement inconscient. à moins qu'il s'agisse complètement d'autre chose. possible.

quel inconfort cette chaise droite! on les avait dans les goulags, je parie.

merde! en m'étirant, mon dos a craqué. n'y songeant pas plus, mes doigts ont voulu se délier et, eux-aussi, ont fait "cric". l'étudiante s'est arrêtée. a-t-elle pensé, quelques secondes que je voulais attirer son attention? et ma chemise un brin voyante, mon clavier sonore, ma chaise qui craque, mon front qui cale, mes reniflements, m'épierait-elle tandis que je tape? je transpirerais aussi?

ah, elle a terminé.

mercredi 14 juillet 2010

musique

De pianiste, à soldat, à chauffeur éclopé du général de l'armée russe. Et Alexeï n'est pas celui qu'il prétend être. Sauf que la musique du passé le trahit, magnifiquement.

"Il n'avait pas l'impression de jouer. Il avançait à travers une nuit, respirait sa transparence fragile faite d'infinies facettes de glace, de feuilles, de vent. Il ne portait plus aucun mal en lui. Pas de crainte de ce qui allait arriver. Pas d'angoisse ou de remords. La nuit à travers laquelle il avançait disait et ce mal, et cette peur et l'irrémédiable brisure du passé mais tout cela était déjà devenu musique et n'existait que par sa beauté."

- Andreï Makine, La musique d'une vie.

mardi 29 juin 2010

noctambule

Cela va de soi : Pour faire la tournée des grands ducs, il faut être un oiseau de nuit.

mercredi 5 mai 2010

Prévert écrit :

Un enfant sage comme une image regarde une image qui représente un enfant sage comme une image qui représente un enfant sage comme une image qui représente...
Mais l'enfant en a assez de cette unique représentation, il veut que le décor change et toute la pièce avec. "Cette image que je regarde, j'en fais ce que je veux, ça me regarde."
Il détache la page avec soin, la déchire, lance les morceaux en l'air et attend que ça retombe, en désordre.
Et il ordonne ce désordre à sa guise, et bientôt découvre une autre image qui représente un enfant turbulent, comme il l'est lui-même souvent, secrètement et qui transforme, en souriant, le langage des images, comme il réforme et reforme les images du langage qu'on lui apprend habituellement, quand elles lui semblent être, et c'est souvent, les messages du mensonge.

Jacques Prévert, Imaginaires, Genève, Éditions d'Art Albert Skira, coll. : "Les sentiers de la création", 1970.

vendredi 30 avril 2010

Comme chien et chat

"Sois franc, Baptiste; si ça te dérange de garder mon minou, dis-le-moi."

Première pause réflexion. Je lui dirai que ça me dérange un peu pour "x".

C'est dit.

Elle combustionne lentement. Deuxième pause réflexion forcée. Elle me demandera des explications. Je lui donnerai donc "x", "y", "z" et encore "x".

C'est dit. De part et d'autres.

C'est alors que bouille, broute et déborde le lait. C'est alors que mesquineries suraigües, tonneaux de malaise et autres lacérations âpres. Merde alors qu'on réalise que les arguments ne valent rien devant des projections de je-ne-sais-quoi de malsain de merde alors.

Et j'en ai presque oublié le chien de ma mère, que je gardais aussi.

mercredi 14 avril 2010

Incompétence

Il est midi au salon du personnel tandis qu’entre un cadre visiblement imbu de lui-même. Ses coudes sont un peu trop loin de son corps, et sa chemise, un point trop grand, retombe sur l’étui d’un cellulaire hors-service. L’incompétence affairée.

Étrangement, il se montre attentionné : « Ma priorité : le bien-être des étudiants ». Il se veut drôle également : « On verra ça sur le terrain de golf, ma Johanne…» Sauf qu’il cherche les rires après ses sarcasmes poivre et sel, après ses agaceries qu’on trouve, au demeurant, déplacées, aussi subtiles qu’un rire gras. Personne ne l’aime.

Il met la table, le cadre, et le voilà blablatant de son projet qui accouchera, mort-né, on le sait. Aussi aborde-t-on d’autres sujets, plus pertinents, qui le concernent. Pleuvent alors interrogations brutes, requêtes d’acier doux, doléances affutées, réprimandes mitraillées qui atteignent, plein cœur, son incompétence. Belle balistique.

Le cadre fait alors un pas vers la porte de sortie, fait un quart de tour, puis s’immobilise, faisant face au tableau de Picasso – «Guernica». Or, ce qui me semblait être une rétractation couarde me paraît soudainement intellectualisée. Cette pantomime étudiée, répétée – et cette pose – nous oblige à supposer qu’il est à la fois réceptif et vaillant. Un machiavellito.

« On va quand même se laisser sur une note positive, hen? », trop audible-t-il, avant de tirer les rideaux.

Applaudissements.

Errance et bond

Sur la batture, j’erre. C’est une allée, aménagée en bois traité, aménagée en 2000. Mon pas est rapide. La musique me satisfait, ici, entre les oreilles. Poli, je retire de temps à autre un écouteur pour saluer ces passantes quinquagénaires qui me reconnaissent – « …fils à Antoine », « …garçon à Anésie », « …p’tit violoneux ». Du musée au centre commercial.

Du centre commercial au musée, une fille, un brin hommasse, cheveux rasés sous la casquette sans palette, porte un énorme casque d’écoute. Je la suis du regard tandis qu’elle bondit, d’une pierre à l’autre, comme moi enfant à Chandler, sur le brise-lame. Elle bondit par défi momentanément fixé, comme moi enfant; pour jouer à l’oiseau qui ne pose pied par terre; pour oublier, six cents mètres durant, la douleur sous les pieds, cette terre de braise, comme moi maintenant.

Arrivée au bout, agile, elle grimpe sur la falaise puis se glisse dans un nid de goéland marin. Elle se roule en boule, tire sur sa couverture immaculée comme une coquille et disparaît, comme hier.

28 degrés Celsius, en avril, ici.

Marche sur la plage. Le projet. Là, une bande de glace sépare le sable blond, plein de cannelures, du sable foncé, que la mer a tassé. Je saute comme je peux sur ce lambeau de banquise, échoué. La marée est basse. La plage s’allonge, les pieds dans l’eau. Des joggeurs, du nord au sud. Une femme et un caniche nain. Deux petites filles jouent les ados, près des roseaux. Une brise balaie mon aura bleue, enfin. Je suis au bord des larmes, salées, moutonneuses, magnifiques, comme toi.

Corbière

Le plus normal des crapauds se serait emmaillé,
Adorablement,
Puis, gigotant pour la forme, aurait rejoint,
Nonchalamment,
La surface, pour espérer voir, au passage,
Une grenouille bronzer sur un nénufar blanc,
Nonchalamment,
Adorablement,
Cependant que je coule.

Scénario

Lui, sur le lit :
« Couche-toi. J’ai fabriqué pour nous des oreillers de mots doux. »

Elle se moule à son flanc. Ils font l’amour. Le lendemain, lui :
« Je t’aime. Dieu t’aime aussi. Je L’ai vu se signer quand nous faisions l’amour, hier, contemplatif. »

Un temps. Une dispute. Lui :
« Reste. Pars seulement lorsque nous aurons trouvé des fleurs aux pétales si longs qu’ils embrasseront nos enfants. »

Elle le rejoint. Une vie passe. Lui, sur le lit :
« Et tu ne mélangeras ta tristesse qu’avec celles de nos petits-enfants, à la fin, derrière l’église. »

Lui, en voix off :
« Regarde ce voilier de notes s'assembler en mélodie tout autour de toi qui marches à moi. »

Une éternité. Elle, voix off :
« Encore »

Feu, fer, eau

Tout se mélange :
Le feu au fer, le fer à l’eau, l’eau au feu. Vaporeux.
Ma forge hurlante, comme le Fou de Vimy.
Ma gorge brulante, comme le Loup de Vigny.
J’y pose tes mains de souffre.
Les mots me manquent.

Les phrases sont courtes. Le trait clignote. En mode attente. Des réminiscences de thèmes, de motifs récurrents à palier. Expulsion de rien. Esthétique du vide.

Je me plonge les doigts dans le fond de la gorge, j’extirpe quelque chose. Le feu, le fer, l’eau ne remontent pas. Je plonge alors une lame rouge feu et j'extrais un nœud de riens carbonisé.

Miroir, fenêtre, néologismes

Par la fenêtre, le vent voltigeaille. Des oiseaux, gris, blancs, noirs, s’indolentent. Et deux épinettes de désembrassent bon gré mal gré. La baie, elle, derrière la télé fermée, s’engrise, comme moi. La nature se pose comme un miroir oscillant d’émotions coudevents.

Réseau

Je dors beaucoup. Je fais peu. Mon dos prend les plis des draps, et mon cou la texture de l’oreiller. Je regarde, comme faire se peut, des comédies romantiques surjouées pendant que mon intestin s’engorge.

L’inertie paternelle, songé-je. Car sa culpabilité s’engage dans le pipeline qui sépare nos territoires et balkanisera ma psyché. Aussi, sa mélancolie se distribue dans les milliards de tubulures qui réseautent, anarchiques, tous mes agirs. On fait peine, peur, pitié.

mercredi 7 avril 2010

double syllogisme

pennac était un cancre.

cancre : anagramme de cancer.
cancer : crustacé dont la démarche est anormale.
cancre : cancer.

(Comprendre que cette métaphore bancale - elle repose sur une anagramme simpliste - illustre que le processus éducatif de l'élève est assimilé à la démarche marginale d'un crabe)

pennac est un cancre.

vendredi 22 janvier 2010

phénix vs gaillard

Le 27 décembre dernier avait lieu une partie de hockey, au centre civique Luc-Germain de Gaspé, opposant le Gaillard de Chandler au Phénix du Grand Gaspé.
Ouvrons une parenthèse : Luc Germain était un homme au gabarit impressionnant qui, dit-on, aurait pu jouer dans la ligue nationale de hockey. Il avait un lancer-frapper tsunamique. Fermons.
Revenons. Fait saillant : d’aucuns n’ont applaudi les joueurs à leur entrée sur la patinoire, ni les Renardois sis au nord, ni les Gaspésiens de chousse, au sud. Soulignons que Rivière-au-Renard est au nord de Gaspé et, comme les mentalités, qu’elle n’est pas près de bouger.
Retenons aussi quelques toussotements contenus entendus pour cinq des dix buts du club du Très Grand Gaspé.
Une réaction intéressante reste néanmoins les reniflements d’une collégienne qui s’est fait plaquer par son petit ami, par texto, une marche plus bas que la mienne, à 17 min 22 de la deuxième.
Un emballeur d’IGA a également expulsé un juron quand il a échappé la moitié de sa macrobrassée à deux pas de moi. Il s’est excusé d’avoir brisé le calme. Je lui ai offert mes sympathies, comme si j’avais été dans un mouroir – quoiqu’il y fasse plus chaud.
C’étaient quelques lignes de trop écrites par Baptiste Francoeur, à Gaspé.

haïti

- que ceux qui ne savent pas quoi penser d'haïti lèvent la main.

...

- m. leferrière, baissez la vôtre, s'il vous plaît; j'aimerais entendre les autres.

long temps. interminable même. avec les points de suspension et tout.

- bon, alors, commentons la situation du canadien de montréal.

tous lèvent la main sauf

- m. leferrière, restez, s'il vous plaît.

et il prend ses clics et ses claque la porte.