vendredi 30 avril 2010

Comme chien et chat

"Sois franc, Baptiste; si ça te dérange de garder mon minou, dis-le-moi."

Première pause réflexion. Je lui dirai que ça me dérange un peu pour "x".

C'est dit.

Elle combustionne lentement. Deuxième pause réflexion forcée. Elle me demandera des explications. Je lui donnerai donc "x", "y", "z" et encore "x".

C'est dit. De part et d'autres.

C'est alors que bouille, broute et déborde le lait. C'est alors que mesquineries suraigües, tonneaux de malaise et autres lacérations âpres. Merde alors qu'on réalise que les arguments ne valent rien devant des projections de je-ne-sais-quoi de malsain de merde alors.

Et j'en ai presque oublié le chien de ma mère, que je gardais aussi.

mercredi 14 avril 2010

Incompétence

Il est midi au salon du personnel tandis qu’entre un cadre visiblement imbu de lui-même. Ses coudes sont un peu trop loin de son corps, et sa chemise, un point trop grand, retombe sur l’étui d’un cellulaire hors-service. L’incompétence affairée.

Étrangement, il se montre attentionné : « Ma priorité : le bien-être des étudiants ». Il se veut drôle également : « On verra ça sur le terrain de golf, ma Johanne…» Sauf qu’il cherche les rires après ses sarcasmes poivre et sel, après ses agaceries qu’on trouve, au demeurant, déplacées, aussi subtiles qu’un rire gras. Personne ne l’aime.

Il met la table, le cadre, et le voilà blablatant de son projet qui accouchera, mort-né, on le sait. Aussi aborde-t-on d’autres sujets, plus pertinents, qui le concernent. Pleuvent alors interrogations brutes, requêtes d’acier doux, doléances affutées, réprimandes mitraillées qui atteignent, plein cœur, son incompétence. Belle balistique.

Le cadre fait alors un pas vers la porte de sortie, fait un quart de tour, puis s’immobilise, faisant face au tableau de Picasso – «Guernica». Or, ce qui me semblait être une rétractation couarde me paraît soudainement intellectualisée. Cette pantomime étudiée, répétée – et cette pose – nous oblige à supposer qu’il est à la fois réceptif et vaillant. Un machiavellito.

« On va quand même se laisser sur une note positive, hen? », trop audible-t-il, avant de tirer les rideaux.

Applaudissements.

Errance et bond

Sur la batture, j’erre. C’est une allée, aménagée en bois traité, aménagée en 2000. Mon pas est rapide. La musique me satisfait, ici, entre les oreilles. Poli, je retire de temps à autre un écouteur pour saluer ces passantes quinquagénaires qui me reconnaissent – « …fils à Antoine », « …garçon à Anésie », « …p’tit violoneux ». Du musée au centre commercial.

Du centre commercial au musée, une fille, un brin hommasse, cheveux rasés sous la casquette sans palette, porte un énorme casque d’écoute. Je la suis du regard tandis qu’elle bondit, d’une pierre à l’autre, comme moi enfant à Chandler, sur le brise-lame. Elle bondit par défi momentanément fixé, comme moi enfant; pour jouer à l’oiseau qui ne pose pied par terre; pour oublier, six cents mètres durant, la douleur sous les pieds, cette terre de braise, comme moi maintenant.

Arrivée au bout, agile, elle grimpe sur la falaise puis se glisse dans un nid de goéland marin. Elle se roule en boule, tire sur sa couverture immaculée comme une coquille et disparaît, comme hier.

28 degrés Celsius, en avril, ici.

Marche sur la plage. Le projet. Là, une bande de glace sépare le sable blond, plein de cannelures, du sable foncé, que la mer a tassé. Je saute comme je peux sur ce lambeau de banquise, échoué. La marée est basse. La plage s’allonge, les pieds dans l’eau. Des joggeurs, du nord au sud. Une femme et un caniche nain. Deux petites filles jouent les ados, près des roseaux. Une brise balaie mon aura bleue, enfin. Je suis au bord des larmes, salées, moutonneuses, magnifiques, comme toi.

Corbière

Le plus normal des crapauds se serait emmaillé,
Adorablement,
Puis, gigotant pour la forme, aurait rejoint,
Nonchalamment,
La surface, pour espérer voir, au passage,
Une grenouille bronzer sur un nénufar blanc,
Nonchalamment,
Adorablement,
Cependant que je coule.

Scénario

Lui, sur le lit :
« Couche-toi. J’ai fabriqué pour nous des oreillers de mots doux. »

Elle se moule à son flanc. Ils font l’amour. Le lendemain, lui :
« Je t’aime. Dieu t’aime aussi. Je L’ai vu se signer quand nous faisions l’amour, hier, contemplatif. »

Un temps. Une dispute. Lui :
« Reste. Pars seulement lorsque nous aurons trouvé des fleurs aux pétales si longs qu’ils embrasseront nos enfants. »

Elle le rejoint. Une vie passe. Lui, sur le lit :
« Et tu ne mélangeras ta tristesse qu’avec celles de nos petits-enfants, à la fin, derrière l’église. »

Lui, en voix off :
« Regarde ce voilier de notes s'assembler en mélodie tout autour de toi qui marches à moi. »

Une éternité. Elle, voix off :
« Encore »

Feu, fer, eau

Tout se mélange :
Le feu au fer, le fer à l’eau, l’eau au feu. Vaporeux.
Ma forge hurlante, comme le Fou de Vimy.
Ma gorge brulante, comme le Loup de Vigny.
J’y pose tes mains de souffre.
Les mots me manquent.

Les phrases sont courtes. Le trait clignote. En mode attente. Des réminiscences de thèmes, de motifs récurrents à palier. Expulsion de rien. Esthétique du vide.

Je me plonge les doigts dans le fond de la gorge, j’extirpe quelque chose. Le feu, le fer, l’eau ne remontent pas. Je plonge alors une lame rouge feu et j'extrais un nœud de riens carbonisé.

Miroir, fenêtre, néologismes

Par la fenêtre, le vent voltigeaille. Des oiseaux, gris, blancs, noirs, s’indolentent. Et deux épinettes de désembrassent bon gré mal gré. La baie, elle, derrière la télé fermée, s’engrise, comme moi. La nature se pose comme un miroir oscillant d’émotions coudevents.

Réseau

Je dors beaucoup. Je fais peu. Mon dos prend les plis des draps, et mon cou la texture de l’oreiller. Je regarde, comme faire se peut, des comédies romantiques surjouées pendant que mon intestin s’engorge.

L’inertie paternelle, songé-je. Car sa culpabilité s’engage dans le pipeline qui sépare nos territoires et balkanisera ma psyché. Aussi, sa mélancolie se distribue dans les milliards de tubulures qui réseautent, anarchiques, tous mes agirs. On fait peine, peur, pitié.

mercredi 7 avril 2010

double syllogisme

pennac était un cancre.

cancre : anagramme de cancer.
cancer : crustacé dont la démarche est anormale.
cancre : cancer.

(Comprendre que cette métaphore bancale - elle repose sur une anagramme simpliste - illustre que le processus éducatif de l'élève est assimilé à la démarche marginale d'un crabe)

pennac est un cancre.