mardi 19 octobre 2010

"bon début de journée tout le monde" - gino chouinard

un concierge passe dans le corridor alors que, dans mon bureau sans fenêtre, je me débarrasse de mes pourriels comme un singe ses tiques, les lumières fermées, le visage incandescent.

il repasse, s'arrête et dit, enroué : "tu travailles au noir."

et je lui balance mon café au visage.

(c'est une blague; je feins de rire.)

vendredi 15 octobre 2010

gredzinski et blin

benacquista a écrit Quelqu'un d'autre. belle réussite romanesque. ce sont deux hommes qui, après un match de tennis, se font le pari de devenir quelqu'un d'autre. ils se donnent rendez-vous un an plus tard, pour voir.

gredzinski devient alcoolique et monte en grade dans l'entreprise de communication parisienne pour laquelle il bosse. l'abus d'alcool le désinhibe, stimule sa créativité, lui donne confiance, l'enrichit et - forcément - il devient désabusé. heureusement, il y a cette femme, si secrête loraine.

blin passe d'encadreur blasé à très-investi détective. et il ne fait pas les choses à moitié, lui qui change littéralement de visage, de métier, de statut civil, bref, d'identité. déclaré disparu, même, dans les journaux.

alors qu'on croit à une intrigue où se croiseraient le détective vermeiren (blin) et l'autre, l'amant de l'adultère loraine (l'est-elle?), les deux personnages évoluent en parallèle. pas de chassé-croisé.

alors qu'on croit à une déchéance irrémédiable chez ces deux quadragénaires anonymes, ou alors à une réussite sur tous les plans chez ces deux lassés de soi, il en est autrement. l'attentisme est déjoué.

en bout de ligne, benacquista interroge l'identité et particulièrement la légitimité de changer de peau. il propose des moyens surtout radicaux pour y arriver, mais aussi des conséquences, heureuses ou non. nuancé comme perspective? oui, pour un romancier français.

* * *

à réfléchir : Malavita, roman du même auteur : une famille devient elle aussi quelqu'un d'autre; d'états-unienne à provinciale française. manifestement, le thème de l'identité est cher à l'écrivain français qui n'a d'italien que le nom (enfin, je suppose).

vendredi 1 octobre 2010

pour combien de temps

Quelques impressions, sur le tas, cependant que je surveille un examen, cependant que cela ne me dise rien de faire autre chose comme corriger, préparer, fouiller dans mon nez, respirer.

écrire à propos de celle que je surveille? oui, mais, si on me surveillait moi. il y a, ai-je su, un logiciel qui permettrait de voir ce que je fais sur cet écran. comme un surveillant du surveillant.

je paranoïe.

(tiens, on souligne le mot "paranoïe". le verbe paranoyer n'existe visiblement pas.)

EST-CE QUE TU PEUX CHERCHER DANS LE PETIT ROBERT, SURVEILLANT DU SURVEILLANT (SS), VOIR S'IL Y AURAIT LE MOT PARANOYER OU PARANOÏER? MERCI. T'ES UN BON JACK!

je paranoïe encore.

("je fabule" sera souligné? non. yes!)

je fabule (dans ce cas).

elle est quand même jolie. brunette, sourcils foncés, un brin basanée, bonne poitrine, fière posture, affairée. souliers en cuir, bas écossais, joli tricot bleu clair. elle me paraît toutefois un brin immature. trop jeune. le genre à se laisser traîner, à se faire inviter, à attendre trop de rouille avant de repeindre, à remettre la pinte de lait vide dans le frigo, à clavarder au lieu de lire, à aimer le motocross ou à dépenser, par exemple.

tiens, elle vient de taper du pied. fronce ses sourcils. semble contrariée.

voilà, elle a repris son allure au clavier.

pour passer le temps, je vais jouer. oui mais à quoi?

tiens, j'essaie d'écrire en même temps qu'elle, sur mon clavier. (il y a eu une pause. je reprends :) il faut une bonne écoute. de la synchronicité aussi. appelons ça le solidaritapage ou le respectapage ou l'harmoni-touche.

elle s'est senti une mèche de cheveux. elle l'a portée devant son nez pour la humer. elle aimerait son shampooing? son parfum? simplement elle (cover girl!)? quoi qu'il en soit, j'aime ça, chez une fille. ce petit sentiment d'insécurité lorsqu'elle se sait observée. ce léger inconfort qui pousse à se soucier de son apparence. à la fois aveu de vulnérabilité et geste de séduction. calculé ou inconscient, ce geste? concentrée comme elle est, je dirais complètement inconscient. à moins qu'il s'agisse complètement d'autre chose. possible.

quel inconfort cette chaise droite! on les avait dans les goulags, je parie.

merde! en m'étirant, mon dos a craqué. n'y songeant pas plus, mes doigts ont voulu se délier et, eux-aussi, ont fait "cric". l'étudiante s'est arrêtée. a-t-elle pensé, quelques secondes que je voulais attirer son attention? et ma chemise un brin voyante, mon clavier sonore, ma chaise qui craque, mon front qui cale, mes reniflements, m'épierait-elle tandis que je tape? je transpirerais aussi?

ah, elle a terminé.