mercredi 20 mai 2009

rêver pour l'hiver

L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...

Et tu me diras : "Cherche!", en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...

A. Rimbaud, 7 octobre 1870.

samedi 16 mai 2009

autosuffisance idéelle

'coute ça :

Je suis dehors, je fume une cigarette et je pense à une chose qui, soudainement, engage et s’engage dans une mécanique ingénieusement conçue en, par et pour elle-même et qui, toujours en, par et pour, se huile adéquatement et,
et tout se meut dans une élégance, un charme, tout ce qu’il y a de plus admirable et,

et.

C’est alors que, maintenant et maintenant, je m'empresse d'étudier les engrenages, les pistons, l'hydrolique et tout et tout et je cours à ma chambre.
Le désordre dans l’escalier.
Je trébuche une fois ou deux puis,
je replace quelques choses,
des choses
éparses,
s’embourbent,
de plus
en plus abstraites,
sans
signifiance,
sans pertinence,
confuses,
un calepin,
je mets sur papier ces choses,
de tout à l’heure,
quand j’étais dehors,
en fumant, mais

en vain.

La pensée devrait toujours se suffire en par et pour elle-même, sans qu’on ait à l’écrire.

Cossé t'en penses?

mercredi 13 mai 2009

à lire

Le Hussard sur le toit, J. Giono;
Le juge et son bourreau, F. Dürrenmatt;
Voyage en Inde avec un grand détour, L. Gauthier;
L'élégance du hérisson, M. Berbery;
Les bouts de bois de Dieu, O. Sembène
Les sous-titres d'un film allemand;
Les lignes de ma main;
La recette du succès;
Bon c't'assez.

avant de mourir de la grippe A.

Avant de mourir de la grippe A, je m'engage à réaliser cinq choses. Il faudra...

Que j’appelle dans une ligne ouverte pour finalement lire du Rimbaud;
Que je fasse la morale à un ado complètement gelé;
Que je me mouche dans le chemisier de ma directrice;
Que je m'épile un seul sourcil;
Que, pendant le shampooing, je flatte doucement le sein d’une coiffeuse dodue en la regardant dans les yeux.

Et je pourrai enfin, en toute quiétude, me couper les doigts de la main droite avec la tranche du département.

Remarque : Y a rien comme terminer sur une note positive.

mardi 12 mai 2009

observation futile

L'eau est lourde à 4°C. À cette température, il se produit un phénomène hydrologique appelé brassage des eaux. L'eau lourde du dessus redescend, remplace celle du dessous, qui remonte, et le tour est joué. Tout cela favorise l'équilibre écologique, celui d'un lac, par exemple.

Le cerveau humain est constitué à 84% d'eau.

Imaginez votre tête, préoccupée, à 4°C; le brassage des idées, celles du dessus qui redescendent et tout votre équilibre psychique troublé.

J'aimerais être un lac pour ne plus avoir à penser.

parole sensée

"Il vaut mieux qu'il pleuve aujourd'hui plutôt qu'un jour où il fait beau."
- Pierre Dac.

my neighbour

Ma voisine doit bien avoir la soixantaine avancée. Elle est grisonnante comme une mer de novembre. Tout à l’heure, elle portait un pantalon gris, un t-shirt rose et une paire de lunettes datant. Moi, sur mon balcon, je portais la cigarette à mes lèvres, machinalement. Comme une vieille Anglaise, elle n’a rien d’attirant. D'autant qu'elle loge avec son hommasse de sœur et sa mère. Des vieilles filles élevées carrées, en canton, mais respectueuses, du reste. À preuve, elles la couvrent d’attentions : elles la charroient, lui donnent la main pour éviter la chute l’hiver, transportent les patates, tondent le gazon anglais, sortent le petit chien qui barf pour rentrer, comme par respect pour la porte du propriétaire. Dociles animaux.

Tout à l’heure, ma voisine est sortie pour je ne sais quelle raison. Elle a déverrouillé une portière du vieil automobile datant, s'est penchée à l’intérieur, a fait quelque chose – j'ai détourné le regard à la vue de ses fesses que j’imaginais flasques et pointues à travers ses pantalons gris – puis elle a refermé la portière. J'ai porté machinalement ma cigarette à mes lèvres. Elle a ensuite jeté un long coup d’œil par la vitre côté conducteur, scrutant, une main sur le front comme pour briser un reflet incommodant, dodelinant la tête comme pour aucune idée, et répétant la séquence à la portière arrière. Elle s’est dit quelque chose en anglais et s’en est allée, démarche en canton, un brin claudiquant, les coudes un peu trop par l’arrière, les genoux un peu trop fléchis, les jambes un peu trop arquées.

Pourquoi ce geste devant les vitres de la voiture? Pourquoi cette série de gestes, en fait? Car ce n’est pas la première fois que je la vois faire ce qui devient, pour moi, un rituel étrange. Vérifie-t-elle si les portières sont bien verrouillées? Viendrait-elle de cacher quelque objet compromettant? Une icône d’or? La dent d’un christ? Une âme sage dans un flacon? Une corne d’un diable? Une hostie datant de Calvin? J’ai éteint ma cigarette, machinalement.

lundi 11 mai 2009

une joke kekun?

"Enweillé-moé une joke kekun sioupla. J'm'emmerde en esti là. Écrivez-la comme vous voulez, m'en sac'."

- Christian Mistral.

code 61

- Sergent?
- Oui, Officier Francoeur.
- Soixante-et-unième message sur mon blogue, Sergent!
- Rien à signaler, donc?
- ...
- ...
- Rien, Sergent.

à quand?

- À quand, Baptiste, les longs romans farcis de viande bio, d'ail des bois, de gorgonzola température-pièce et de concepts géniaux?
- ...
- À quand, Beau Brun, les essais sublimes, les contes Diderot et les nouvelles de la chaîne spécialisée qui feront vibrer toutes les coupoles du quartier infinimentalement?
- ...
- À quand, Seul Amour, les formes brèves grêlant dans les égoûts à ciel ouvert?
- Là.

les grandes choses

J'ai un ami qui s'apprête à faire une grande chose. Je l'en ai félicité. Il a été touché. Moi aussi. Donnant-donnant.

J'ai un frère qui s'apprête à faire une grande chose. Je l'en ai félicité. Il a été touché. Moi aussi. Donnant-donnant.

J'ai des parents qui s'apprêtent à faire de grandes choses. Je les en ai félicités. Ils ont été touchés. Moi aussi. Donnant-donnant.

Répétons. Répétons. On finira par y arriver.

dimanche 10 mai 2009

l'ambivalence

Devrait-on être ambivalent? Est-ce un mode de vie acceptable en cette société de pluie et de gouttières trouées?

À première vue, l’ambivalence ne garantit pas un mode de vie sain. Tout ambivalent qui se respecte sait que tourner comme un punching bag au bout de sa chaîne ne mène absolument nulle part, si ce n’est que, au bout du compte de dix, il finit par poser un regard critique dans les profondeurs insondables d’une chaudière de plastique, dans le coin bleu d’un gym, qui sent le cuir humide et le vomi pâlot.
* * *
L’impression de tournoyer – en soi plus qu’ailleurs – l’affecte émotionnellement et il en est conscient. Or, en bon ambivalent, il évitera. Il intellectualisera plutôt. Aussi révisera-t-il la sale situasse de fond en comble, questionnant tout d’abord et absurdement le fondement même de cette situasse et, ensuite, la légitimité de cette remise en question pour lui, hic et nunc, et ceatera. Il se tournera enfin vers une autre alternative (à titre comparatif seulement, se prévient-il) et, finfinalement, il optera pour LA réponse. Habituellement, il s'agit de la plus simple à remettre en questions (qui impliquent des réponses à choix multiples avec, en deuxième partie, des questions à développement. Juste assez mais pas trop quand même).
* * *
Le vrai ambivalent ne manque pas d’imagination, c'est connu. Un artiste, un sculpteur. Sachant que l’esprit d’initiative lui fait défaut, celui des autres, bien souvent, prévaut – du moins, en tant que le projet corresponde à ses valeurs. Dans ce cas, le créatif personnage s’exécute : il modèle, raboudine, patente, ramanche, bidouille le projet à coupler à ses propres ébauches – les siennes, ses petites, dans le tiroir du bas – et il finit par oublier, après cet épuisant travail synaptique, de qui il provenait, déjà, ce projet porteur. Un moyen ratoureux.
* * *
Il se conforte ainsi dans une position de bon second. Cette position, qui pour certains semble bien péjorative, lui l’assume. Du reste, elle seule lui permet d’avancer, picaro au pas plus ferme; de le doter, un temps, de la lourde épée du meneur – quand Quichotte hallucine, notamment. Certains le qualifieront injustement de force tranquille, lui qui, en réalité, demeure un compagnon bien paradoxal (sorte de GPS bon marché, de rouleau de duct tape, de bonne ficelle qui parle au « il »). Mais bon, on a droit à l’erreur.
* * *
Devrait-on être ambivalent, donc, en cette société de pluie et de gouttières trouées? Je répondrais comme vous lecteur : un peu oui et un peu non, juste assez mais pas trop.

dimanche 3 mai 2009

mes pauvres

Maman a la grippe. La pauvre.

Mon père subira une opération aux mains. Le pauvre.

Mon ami est dépassé par les événements. Le pauvre.

Mes voisins ont eu un accident de voiture. Les pauvres.

Mon équipe de hockey vient de se faire éliminer. La pauvre.

Mes Mexicains paniquent à cause de la grippe A. Les pauvres.

Mes abeilles tombent malades. Les pauvres.

Mon sol est contaminé au cuivre. Le pauvre.

Ma forêt perd de sa biodiversité. La pauvre.

Heureusement, mes pauvres restent toujours aussi pauvres.

vendredi 1 mai 2009

pluie jazzée

Voici ce qu'on écrit, quand on est seul, dans une roulotte de l'anse, un 13 juillet, et qu'il pleut.
* * *
J'ai des bananes encore vertes, trois bières frettes, du pain, une quiche au légume, des céréales et du lait, du jus de pomme et de la bouffe sèche pour un bout. Du cannage aussi. Un peu de sûreté.
* * *
Il vente. Chaque bonne bourrasque fait brasser ma roulotte. À croire qu'il y a de l'action, ici, dans mon décor carreauté.
* * *
Il pleut. Chaque goutte chante. À croire qu'il y a de la musique, ici, dans mon décor 87 ambulant.
* * *
J'ai ma petite guitare ténor, ma voix et la pluie. On pourrait jouer ensemble?
...
Je vais lire. La pluie improvise trop bien pour moi. Je ne suis pas de calibre. Question de respect!
* * *
Et, juste en bas de la feuille, il y a le dessin d'une roulotte, sous la pluie, avec des notes de musique et d'immenses fleurs, comme dans une tête d'enfant.