Dans la boîte de courriels poussiéreuse de mon dernier emploi, une de mes anciennes étudiantes, morte cet été d'un cancer, me laisse un message en anglais : live your life, you have only one, have no fear, etc.
Quelque chose vient de finir, que je me dis.
Dans la nouvelle télé HD de mon salon, un de mes auteurs préférés, Dany Laferrière, répond à un animateur fât que sa bibliothèque est un cimetière où les morts lui parlent.
"Et si quelque chose commençait, Baptiste?", me dit-il, le jus de sa mangue dégouttant sur le lino du salon.
mercredi 23 novembre 2011
La main de tante L.
Je visitai mon grand-père.
Je marchai comme on marche dans un corridor institutionnel : le pas sans volonté.
Au seuil de sa chambre, je le vis dans son lit : il était pâle, maigre, respirant avec peine, la bouche grand ouverte, la tête renversée. Il dormait. Ma mère, les yeux plein d’eau, me regarda regarder l’agonie de son père.
J’entrai et me fondis dans le profond fauteuil de l’impuissance, en face du dormeur. Ma mère était à ma gauche, ma cousine J. à ma droite. Après un bref silence, ma mère se leva pour se pencher à l’oreille de grand-papa : « C’est Baptiste, Papa, ton joueur de violon préféré ». Elle lui caressa la tête, posa un baiser sur son front, lui chuchota : « Beau Papa d’amour ».
Le temps de parler des tours de mon grand-père dans son village natal. Le temps de rire avec la belle cousine J., qui habite à Montréal et qui s’est fait aborder par un Français caféinomane, Thomas qu’il s’appelle. L'impression de se distraire, malgré tout.
Tante L., la plus jeune des filles de mon grand-père, entra. Politesses d’usage. Elle s’assit sur le bord du lit et caressa son père des yeux.
Léger silence.
Elle posa la main droite sur le mince tissu bleu pâle de la jaquette d'hôpital de son père, ce tissu qui cache un filet de peau diaphane, cette peau qui recouvre son thorax osseux, thorax qui protège, un temps encore, la vie. Et je songeai que jamais la main de ma tante n’eut été si près du cœur de son papa.
Je marchai comme on marche dans un corridor institutionnel : le pas sans volonté.
Au seuil de sa chambre, je le vis dans son lit : il était pâle, maigre, respirant avec peine, la bouche grand ouverte, la tête renversée. Il dormait. Ma mère, les yeux plein d’eau, me regarda regarder l’agonie de son père.
J’entrai et me fondis dans le profond fauteuil de l’impuissance, en face du dormeur. Ma mère était à ma gauche, ma cousine J. à ma droite. Après un bref silence, ma mère se leva pour se pencher à l’oreille de grand-papa : « C’est Baptiste, Papa, ton joueur de violon préféré ». Elle lui caressa la tête, posa un baiser sur son front, lui chuchota : « Beau Papa d’amour ».
Le temps de parler des tours de mon grand-père dans son village natal. Le temps de rire avec la belle cousine J., qui habite à Montréal et qui s’est fait aborder par un Français caféinomane, Thomas qu’il s’appelle. L'impression de se distraire, malgré tout.
Tante L., la plus jeune des filles de mon grand-père, entra. Politesses d’usage. Elle s’assit sur le bord du lit et caressa son père des yeux.
Léger silence.
Elle posa la main droite sur le mince tissu bleu pâle de la jaquette d'hôpital de son père, ce tissu qui cache un filet de peau diaphane, cette peau qui recouvre son thorax osseux, thorax qui protège, un temps encore, la vie. Et je songeai que jamais la main de ma tante n’eut été si près du cœur de son papa.
Du haut (avec fin aussi en calembour)
- Tu n'écris plus Baptiste?
- Je ne sais pas. On dirait qu'écrire me donne de plus en plus le vertige.
- (La peur des auteurs)
- Je ne sais pas. On dirait qu'écrire me donne de plus en plus le vertige.
- (La peur des auteurs)
jeudi 25 août 2011
21 août 2011
Mon grand-père n'est plus de ce monde aujourd'hui. Et ç'a commencé le 21 août 2011 à 16 h 45.
lundi 1 août 2011
Le pont
90 km / heure sur le pont de la rivière. Juste en bas, adossée à une souche de bois mort, mon amour tue. Coup de bistouri dans la pupille.
dimanche 24 juillet 2011
Mon beau peuple
Une taon d'automne qui cogne entre deux vitres.
Des vapeurs de valse nordique.
De la bruine frette les portes fermées.
Assis à attendre quelque chose assis.
Des vapeurs de valse nordique.
De la bruine frette les portes fermées.
Assis à attendre quelque chose assis.
dimanche 12 juin 2011
Conquête
"Oswald, lorsque Suzy l'avait connu, n'avait qu'une moto noire à l'arrière de laquelle elle était aussitôt montée, puis ils avaient roulé dans presque toute la ville, presque toute la nuit. L'air froid faisait jaillir des larmes des yeux d'Oswald, qui allaient rouler le long de ses tempes et se perdre entre les lèvres de Suzy serrée contre lui.[...] [E]t quelques mois plus tard, leur fils Jim naissait."
- Échenoz, Lac.
Dans six ans, Oswald partira sans laisser un mot sur la table de cuisine.
- Échenoz, Lac.
Dans six ans, Oswald partira sans laisser un mot sur la table de cuisine.
jeudi 9 juin 2011
Petite marche dans le bois.
Une centaine de pas. À peine assez pour sentir le sang circuler, ici. Pas grand-chose à écrire si ce n’est qu’une étonnante trace de couleuvre traversait le sentier de part en part.
Une corde jaune au bout de laquelle balançait un contenant d’eau de Javel était attachée à un arbre sans feuilles aussi. Je me dis que le printemps apparaîtra lorsque ce contenant se sera décomposé. Rien d’optimiste.
Je n’ose jamais m’aventurer bien loin dans ce sentier. Je crains à peu près tout. Les ours surtout. En marchant, je scrute toujours autour, à l’affût. Et je fais en sorte de voir la maison derrière moi. À chaque pas je me répète que je devrais être détendu et que, par conséquent, mes yeux se dépareront de leurs œillères, que mon champ de vision s’ouvrira de manière à ce que je devienne, enfin, conscient. Mon aspiration-rengaine.
Une corde jaune au bout de laquelle balançait un contenant d’eau de Javel était attachée à un arbre sans feuilles aussi. Je me dis que le printemps apparaîtra lorsque ce contenant se sera décomposé. Rien d’optimiste.
Je n’ose jamais m’aventurer bien loin dans ce sentier. Je crains à peu près tout. Les ours surtout. En marchant, je scrute toujours autour, à l’affût. Et je fais en sorte de voir la maison derrière moi. À chaque pas je me répète que je devrais être détendu et que, par conséquent, mes yeux se dépareront de leurs œillères, que mon champ de vision s’ouvrira de manière à ce que je devienne, enfin, conscient. Mon aspiration-rengaine.
samedi 14 mai 2011
Retour sur une actualité
Aujourd’hui, dans l’actualité, un homme se tient debout : Vigneault. C’est que, en l’an 2010 de notre ère, l’immortel Natashquanais a refusé de céder les droits de diffusion de son hymne « Mon pays » aux organisateurs des Jeux olympiques, à Vancouver – banlieue taïwanaise. En fait, il l’aurait accepté, mais sous certaines conditions, dont celle de ne pas voir flotter dans les écrans de télévision, pendant qu’on sing his song, un drapeau du Canada. Je l’entends réfléchir :
Jamais feuilles d’érable poussées par le vent d’ouest n’occulteront la danse du lys. Et si je puis brider ce symbole qui marque comme un fer, rouge honte, tandis que mon fier refrain voyage allègre du cœur à la langue française, eh bien je le briderai.
Et, comme tout le monde en parle, il se justifiera, Vigneault. Il en sentira le besoin, une éternité médiatique plus tard, car un certain Furlong l’accuse d’enclaver encore un peu plus les deux solitudes. Et ce goddam separatist prendra le micro à Charette ou à Guy A. pour rappeler candidement que son pays qui est l’hiver n’est pas celui de Mr. Furlong; que l’Histoire du pays de sa chanson n’est pas celle du Canada et, surtout, que cet hymne est écrit pour un pays souverain.
Mais, poli, il ne dira pas qu’il serait plus approprié de chanter le « Xina Yimn Tsung » (j’invente) à Vancouver que le « Mon pays »; que des chansons francophones qui contiennent le mot hiver, on en compte des pelletées et que l’allumette lancée par Mr. Furlong dans le tas de foins médiatique aurait dû s’éteindre dans son vol.
On n’achète pas un homme comme Vigneault. Encore moins son pays.
Jamais feuilles d’érable poussées par le vent d’ouest n’occulteront la danse du lys. Et si je puis brider ce symbole qui marque comme un fer, rouge honte, tandis que mon fier refrain voyage allègre du cœur à la langue française, eh bien je le briderai.
Et, comme tout le monde en parle, il se justifiera, Vigneault. Il en sentira le besoin, une éternité médiatique plus tard, car un certain Furlong l’accuse d’enclaver encore un peu plus les deux solitudes. Et ce goddam separatist prendra le micro à Charette ou à Guy A. pour rappeler candidement que son pays qui est l’hiver n’est pas celui de Mr. Furlong; que l’Histoire du pays de sa chanson n’est pas celle du Canada et, surtout, que cet hymne est écrit pour un pays souverain.
Mais, poli, il ne dira pas qu’il serait plus approprié de chanter le « Xina Yimn Tsung » (j’invente) à Vancouver que le « Mon pays »; que des chansons francophones qui contiennent le mot hiver, on en compte des pelletées et que l’allumette lancée par Mr. Furlong dans le tas de foins médiatique aurait dû s’éteindre dans son vol.
On n’achète pas un homme comme Vigneault. Encore moins son pays.
Poëme d’hiver
Dehors, c’est blanc longtemps.
Il neige horizontalement.
Le vent pousse les voitures, une à la fois.
Il les fait déraper, se heurter et, souvent, mourir.
Et tu es là-bas, « à cent mille lieues de moi.
Comment oublier ton sourire
Et tellement de souvenirs? »
Étrange comme des paroles sans substance
Nous arrivent à des moments malsonnants,
Comme un vent blanc tuant des voitures
Les unes après les unes, après les unes.
Il neige horizontalement.
Le vent pousse les voitures, une à la fois.
Il les fait déraper, se heurter et, souvent, mourir.
Et tu es là-bas, « à cent mille lieues de moi.
Comment oublier ton sourire
Et tellement de souvenirs? »
Étrange comme des paroles sans substance
Nous arrivent à des moments malsonnants,
Comme un vent blanc tuant des voitures
Les unes après les unes, après les unes.
La folle
Tu entres.
Tu portes un chandail écarlate, comme le drapeau de l’ambassade du Canada dans quelque chaotique afrique.
Or, tu t’effaces dans le coin de la salle.
On te blâmerait.
Tu t’assois.
Tu as ceint ton front d’un joli bandeau clair, comme une auréole un peu précaire.
Or, tes cheveux bronze cachent encore ta face lunaire.
On te blâmerait.
Tu sors.
Et tu échappes derrière toi, faussement désinvolte, la dentelle d’une camisole, comme des os à soupe dans un chenil.
Car tu sais qu’au fond, on n’a d’yeux que pour toi.
Mais je ne te blâme pas.
Tu es une folle.
Tu portes un chandail écarlate, comme le drapeau de l’ambassade du Canada dans quelque chaotique afrique.
Or, tu t’effaces dans le coin de la salle.
On te blâmerait.
Tu t’assois.
Tu as ceint ton front d’un joli bandeau clair, comme une auréole un peu précaire.
Or, tes cheveux bronze cachent encore ta face lunaire.
On te blâmerait.
Tu sors.
Et tu échappes derrière toi, faussement désinvolte, la dentelle d’une camisole, comme des os à soupe dans un chenil.
Car tu sais qu’au fond, on n’a d’yeux que pour toi.
Mais je ne te blâme pas.
Tu es une folle.
vendredi 6 mai 2011
Ils n'ont pas suivi tes conseils, Isidore.
dimanche 17 avril 2011
La palisse de vérité
Certains vous diront que mon imaginaire intérieur – pléonasme? – est riche; que, taciturne, je suis nécessairement un homme intelligent.
Si tel est cas, je dis : À quoi sert d’être intelligent si l’on n'en fait l’expérience que dans sa tête, égoïstement?
À cela, je dirai que c'est pour ne pas répondre aux dictats crottés de l’utilitarisme envahissant et pour favoriser l’équilibre idéologique par le refus, la marginalité.
Et si quelqu'un me taxe de défaitiste, je dirai : Plein d’hommes intelligents sont morts sans avoir influencé le cours de quelque chose (la vie, si vous voulez). Et puisqu’ils ne sont plus en vie, on peut dès lors admettre qu’ils sont morts et, ainsi, qu'ils ne sont plus vivants, n'étant plus des nôtres.
(Quel imaginaire intérieur intelligent!)
Si tel est cas, je dis : À quoi sert d’être intelligent si l’on n'en fait l’expérience que dans sa tête, égoïstement?
À cela, je dirai que c'est pour ne pas répondre aux dictats crottés de l’utilitarisme envahissant et pour favoriser l’équilibre idéologique par le refus, la marginalité.
Et si quelqu'un me taxe de défaitiste, je dirai : Plein d’hommes intelligents sont morts sans avoir influencé le cours de quelque chose (la vie, si vous voulez). Et puisqu’ils ne sont plus en vie, on peut dès lors admettre qu’ils sont morts et, ainsi, qu'ils ne sont plus vivants, n'étant plus des nôtres.
(Quel imaginaire intérieur intelligent!)
Visualisation nocturne
Des mots dans l'interphone
La clé dans ta serrure.
Quelque chose presse :
Les corps s'épurent.
Ma bouche
Fébrile assiette de stainless
Sur ton nombril écumant.
Comme une perle de mercure,
Mon front glisse
À ton front.
Mon ventre-terri
Sur ton territoire de lave
Rougeoie et fond
Enfin!
Et puis, nonchalamment,
Tu te mets
À dessiner,
Juste là,
Au travers des vapeurs,
Des supernovas
Qui tourbillonnent encore.
La clé dans ta serrure.
Quelque chose presse :
Les corps s'épurent.
Ma bouche
Fébrile assiette de stainless
Sur ton nombril écumant.
Comme une perle de mercure,
Mon front glisse
À ton front.
Mon ventre-terri
Sur ton territoire de lave
Rougeoie et fond
Enfin!
Et puis, nonchalamment,
Tu te mets
À dessiner,
Juste là,
Au travers des vapeurs,
Des supernovas
Qui tourbillonnent encore.
Poème de route
La route brûle sous les ongles des pigeons
Sous les sandales des pouceuses
De la couronne de Montréal
Sous les cannettes de Labatt
Les emballages de fast-food
La face râpée de la reine
Et, parfois, juste au dessus,
Dans le rétroviseur,
On se partage presqu'en souriant
une crème glacée.
Sous les sandales des pouceuses
De la couronne de Montréal
Sous les cannettes de Labatt
Les emballages de fast-food
La face râpée de la reine
Et, parfois, juste au dessus,
Dans le rétroviseur,
On se partage presqu'en souriant
une crème glacée.
Ils s'enlacent malgré.
Ils s’enlacent malgré l’exiguïté qui saigne les coudes, la paperasse qui entaille les poignets, les baisers qui sucent les mots du passé, des semences de lune, là, dans son ventre vapeur. Amourachages pour des lustres, des lustres éblouissants.
vendredi 15 avril 2011
Eh ben!
Eh ben.
...
Moi qui croyais n'écrire que pour Bibi,
Bibi qui s'invente des poèmes pour lui
Qui se les relit en gros gourmand fat
(Je sais, c'est l'idée de Cendrars);
Eh ben voilà qu'on se rend compte
Qu'il y en avait assez pour deux, finalement.
...
Eh ben benvenue, la Parisienne.
...
Moi qui croyais n'écrire que pour Bibi,
Bibi qui s'invente des poèmes pour lui
Qui se les relit en gros gourmand fat
(Je sais, c'est l'idée de Cendrars);
Eh ben voilà qu'on se rend compte
Qu'il y en avait assez pour deux, finalement.
...
Eh ben benvenue, la Parisienne.
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