Je visitai mon grand-père.
Je marchai comme on marche dans un corridor institutionnel : le pas sans volonté.
Au seuil de sa chambre, je le vis dans son lit : il était pâle, maigre, respirant avec peine, la bouche grand ouverte, la tête renversée. Il dormait. Ma mère, les yeux plein d’eau, me regarda regarder l’agonie de son père.
J’entrai et me fondis dans le profond fauteuil de l’impuissance, en face du dormeur. Ma mère était à ma gauche, ma cousine J. à ma droite. Après un bref silence, ma mère se leva pour se pencher à l’oreille de grand-papa : « C’est Baptiste, Papa, ton joueur de violon préféré ». Elle lui caressa la tête, posa un baiser sur son front, lui chuchota : « Beau Papa d’amour ».
Le temps de parler des tours de mon grand-père dans son village natal. Le temps de rire avec la belle cousine J., qui habite à Montréal et qui s’est fait aborder par un Français caféinomane, Thomas qu’il s’appelle. L'impression de se distraire, malgré tout.
Tante L., la plus jeune des filles de mon grand-père, entra. Politesses d’usage. Elle s’assit sur le bord du lit et caressa son père des yeux.
Léger silence.
Elle posa la main droite sur le mince tissu bleu pâle de la jaquette d'hôpital de son père, ce tissu qui cache un filet de peau diaphane, cette peau qui recouvre son thorax osseux, thorax qui protège, un temps encore, la vie. Et je songeai que jamais la main de ma tante n’eut été si près du cœur de son papa.
mercredi 23 novembre 2011
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