Il serait important d'affirmer que Baudelaire, en créant des rapprochements sensoriels inusités (les correspondances), ne croyait pas pouvoir atteindre un idéal. Il avait lu Platon et il était conscient que transgresser son allégorie caverneuse lui était intellectuellement impossible - je le sais, il m'en a parlé, en rêve, la nuit dernière. Parlant tout bas, très envers lui, il s'est convaincu que ces juxtapositions des sens créeraient un effet synergétique qui lui permettrait de sentir enfin son corps, son pauvre corps de dandy perdu quelque part entre Aupick, la mulâtre, Poléon le petit, Constantin Guys, un dix-neuvième siècle pas mal torvisse. Sa réflexion faite, je l'ai regardé s'éloigner, renfrogné, cogitant probablement à quelque lugubre esthétique. Cré' Charlot.
À un jet de pierre, je ne pouvais pas ne pas lui exposer le fin fond de ma pensée - après tout, il était là, lui, le maudit des maudits, aussi bien l'achever, comme il le souhaite. Donc : "Aussi, l'idéal, Monsieur De l'air, n'est-il pas ce à quoi vous aspirez dans vos fleurs malades; il n'est rien d'autre que la fin poétisée d'une pensée ingénue. Et vlan! ai-je cru. Il a tourné la tête et a daigné froncer les sourcils, comme avec Carjat, des ninjas dans les yeux.
"Et les paradis artificiels, mec?", poussais-je la loque. Alors, il s'est approché de moi, qui l'attendais dans des semelles de béton. Nez à nez presque, il m'a souri - on eut cru Bouddha. Puis, le regard bon, il m'a glissé à l'oreille : "Pour celui qui croit que les paradis artificiels sont le highway to ideal land - anglophile, va! - il se goure; haschiche, opium et absinthe ouvrent plutôt les volets sur un ego vulnérable et, par extension, ils constituent autant d'aveux implicites de ma faiblesse d'artiste".
Puis s'en est allé, satisfait.
J'étais vaincu.
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