jeudi 5 mars 2009

inutilitécriture


Il faut continuer d’écrire. Pire : Il faut que ça devienne une habitude, l’écriture. Ma grand-mère – Dieu n’aie pas tout de suite son âme – me disait qu’il faut trois semaines pour qu’une habitude s’acquiert. Trois semaines. C’est beaucoup de temps. Or, comme je suis une personne qui comprend assez rapidement, je pense qu’une période d’une semaine suffirait largement. Une semaine. Ou sept jours. Ou sept fois vingt-quatre heures dont quatorze ou quinze sont ouvrables – parce que je dors la nuit. Là-dessus, j’ôte trois heures pour la nourriture, une heure pour l’hygiène corporelle et trois autres pour les loisirs musicaux, télévisuels et sportifs (!). Il me reste environ sept heures pour écrire. Si j’enlève une heure de pause réglementaire (tel que recommandée par la loi sur les normes du travail) j’ai six heures pour écrire. Puis, comme je suis humain, il y a de fortes chances que je m’adonne à un brin de paresse. Une autre heure de perdue. En reste cinq. Sur ces cinq, trois sont consacrées à la réflexion et la relecture et sur ces trois, la moitié est réservée au biffage, à l’hachurage, au reformulage, au dictionnairage, au grammairage, au citationnage, au supprimage, et ceaterage. Donc, si je fais un calcul, j’écris en moyenne une heure trente par jour.
Je passe plus d’une heure à pitonner sur une plaque de plastique boutonnée – tout ce qu’il y a de plus impersonnel, de plus rigide, de plus absurde –; plus d’une heure devant un gros écran plasma, effervescent, sillant dans les ouïes, rougissant les yeux, asséchant l’inspiration et l’imagination de ses hertz mal léchés (!); plus d’une heure à être passivement assis derrière un carré derrière un mur blanc derrière le dehors alors que je pourrais y être, justement, dehors, à trapper le renard, à pêcher l’éperlan, à débrancher l’arbre, à gratter, saler, poivrer mon entrée, à pelleter les nuages, à entraîner mon cœur, renforcir mes biceps, quadriceps, deltoïdes et trapèzes, à faire respirer ma santé, mais non; je suis là, à pitonner, à faire du phrasouillage de néophyte, du bourrage de ligne, de l’enflure syntaxique et vocabulairielle qui ne réussit même pas à entrer dans un mot-valise comme inutilitécriture.

Remarque : J’ai remarqué – d’où l’appellation remarque – que lorsque point – du verbe poindre – l’aube de la fin d’un texte – c’est-à-dire le crépuscule d’un texte – j’ai une fâcheuse tendance – problème de cooccurence ici, Baptiste, mauvais emploi ici, Baptiste – à répandre, au fil des lignes, des mots qui sont d’un superflus déconcertant – comme cette autre observation entre tirets – et ce, bien contre mon bon gré malgré moi. Que faire? Comment l’expliquer? Mais surtout – j’y reviens – que faire? Les questions se posent. Elles se posent comme cela, sur une feuille ou dans l’oreille d’un bien entendant ou, comme moi, là, présentement, elles se posent virtuellement, sur un écran cathodique blanc, effervescent, sillant dans les ouïes et rougissant les yeux. Les questions ne se posent pas : elles tombent. Et personne ne vient les ramasser.

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