vendredi 27 février 2009

les miracles de la linguistique

Il y a beaucoup de choses qui circulent dans mon sang. Du phlegme, par exemple. Si je ne me trompe pas, le phlegme est ce que l’on nomme aujourd’hui la lymphe ou le liquide lymphatique. Hippocrate de Cos disait, hier – ou jadis –, que cette substance était responsable d’une humeur chez l’être humain, le flegme, l’indifférence, l’apathie. J’ai connu une femme de ce genre, dans ma tête, jadis – naguère, plus précisément. Je lui disais : « Chérie, tu sais que je t’aime? » et elle me répondait, du tac au tac, un de ces très indifférents : « C’est justement ce que j’allais te dire, chéri. Comme c’est étrange, comme c’est bizarre ». Et nous nous étreignions tendrement. Cependant, lorsqu’elle posait ses lèvres sur les miennes, il n’y avait aucune réaction dans ses yeux, aucune étincelle ou flamme ou lumière. Cela m’inquiétait. J’ai donc battu – comme le grain qu’on récolte – quelques conjectures pour me rendre compte que la première était la plus valable : « Elle n’a pas de flamme dans les yeux parce que je ne les vois pas, tout simplement ». Je l’avais formulée ainsi : « L’incommunicabilité visuelle résulte de la présence d’un élément médiant obstruant – un É.M.O. ». Tout s’expliquait. Aussi ai-je continué à l’embrasser, mais plus vélocement cette fois. Puis, au bout d’une minute environ, autre semonce de doutes : « Pourquoi, quand je la ré-embrasse sur les lèvres, ma langue est incapable de toucher la sienne ». S'ensuit une seconde cavalcade hypothétique au terme de laquelle j’ai dû revenir à la première – la plus plausible : « Cette bouche n’a pas de langue. Défaut de manufacture! » (Je l’avais formulée telle quelle. Sans la blague, toutefois.). Cette réalité m’ayant percé comme le Christ sur la croix, je me suis bouché les oreilles avec ses cuisses et, jugeant l’endroit adéquat pour lui faire entendre raison, je lui ai répété : « Quel flegme! Mais, quel flegme! Non mais, quel flegme elle a! »
Le mémorable déversement de lave qui a suivi ma diatribe a, encore une fois, sollicité mon intellect mais, pour l’heure, j’ai convenu qu’il serait temps d’émettre cette très satisfaisante conclusion : les phonèmes labiaux et bilabiaux, sitôt actualisés, peuvent parer au flegme des femmes.

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