Ma voisine doit bien avoir la soixantaine avancée. Elle est grisonnante comme une mer de novembre. Tout à l’heure, elle portait un pantalon gris, un t-shirt rose et une paire de lunettes datant. Moi, sur mon balcon, je portais la cigarette à mes lèvres, machinalement. Comme une vieille Anglaise, elle n’a rien d’attirant. D'autant qu'elle loge avec son hommasse de sœur et sa mère. Des vieilles filles élevées carrées, en canton, mais respectueuses, du reste. À preuve, elles la couvrent d’attentions : elles la charroient, lui donnent la main pour éviter la chute l’hiver, transportent les patates, tondent le gazon anglais, sortent le petit chien qui barf pour rentrer, comme par respect pour la porte du propriétaire. Dociles animaux.
Tout à l’heure, ma voisine est sortie pour je ne sais quelle raison. Elle a déverrouillé une portière du vieil automobile datant, s'est penchée à l’intérieur, a fait quelque chose – j'ai détourné le regard à la vue de ses fesses que j’imaginais flasques et pointues à travers ses pantalons gris – puis elle a refermé la portière. J'ai porté machinalement ma cigarette à mes lèvres. Elle a ensuite jeté un long coup d’œil par la vitre côté conducteur, scrutant, une main sur le front comme pour briser un reflet incommodant, dodelinant la tête comme pour aucune idée, et répétant la séquence à la portière arrière. Elle s’est dit quelque chose en anglais et s’en est allée, démarche en canton, un brin claudiquant, les coudes un peu trop par l’arrière, les genoux un peu trop fléchis, les jambes un peu trop arquées.
Pourquoi ce geste devant les vitres de la voiture? Pourquoi cette série de gestes, en fait? Car ce n’est pas la première fois que je la vois faire ce qui devient, pour moi, un rituel étrange. Vérifie-t-elle si les portières sont bien verrouillées? Viendrait-elle de cacher quelque objet compromettant? Une icône d’or? La dent d’un christ? Une âme sage dans un flacon? Une corne d’un diable? Une hostie datant de Calvin? J’ai éteint ma cigarette, machinalement.
Tout à l’heure, ma voisine est sortie pour je ne sais quelle raison. Elle a déverrouillé une portière du vieil automobile datant, s'est penchée à l’intérieur, a fait quelque chose – j'ai détourné le regard à la vue de ses fesses que j’imaginais flasques et pointues à travers ses pantalons gris – puis elle a refermé la portière. J'ai porté machinalement ma cigarette à mes lèvres. Elle a ensuite jeté un long coup d’œil par la vitre côté conducteur, scrutant, une main sur le front comme pour briser un reflet incommodant, dodelinant la tête comme pour aucune idée, et répétant la séquence à la portière arrière. Elle s’est dit quelque chose en anglais et s’en est allée, démarche en canton, un brin claudiquant, les coudes un peu trop par l’arrière, les genoux un peu trop fléchis, les jambes un peu trop arquées.
Pourquoi ce geste devant les vitres de la voiture? Pourquoi cette série de gestes, en fait? Car ce n’est pas la première fois que je la vois faire ce qui devient, pour moi, un rituel étrange. Vérifie-t-elle si les portières sont bien verrouillées? Viendrait-elle de cacher quelque objet compromettant? Une icône d’or? La dent d’un christ? Une âme sage dans un flacon? Une corne d’un diable? Une hostie datant de Calvin? J’ai éteint ma cigarette, machinalement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire